Marguerite Peltzer-Genoyer

, par  Rémi Baud

Marguerite Peltzer-Genoyer était une artiste peintre et sculpteur. Elle habitait le petit manoir blanc orné d’une tour ronde, chemin de la Mulaz-Bregand à Concise dont l’arrière avait été aménagé en atelier. Plusieurs de ses œuvres sont encore visibles dans Thonon :
- la sirène dans la cour intérieure de la Mairie
- le penseur devant le musée du chablais
- une exposition permanente au musée du Chablais

Vous pouvez (re-)découvrir une partie de l’oeuvre de Marguerite Peltzer-Genoyer au musée du chablais

Portrait sensible de Marguerite Peltzer

Découvrez la variété des créations de cette thononaise d’adoption, influencée par l’expressionnisme allemand, l’art déco, la sculpture classique... qui a légué son fonds d’atelier à la Ville de Thonon-les-Bains en 1991.

Article du Messager - jeudi 03.03.2011

Marguerite Peltzer intime : souvenirs vingt ans après


Marguerite Peltzer à Concise. « Elle n’était pas toujours facile, mais c’était une grande dame, qui sortait des normes. »

Artiste de renom et personnalité hors du commun, elle s’est éteinte à Thonon en 1991. Née en 1898 en Allemagne dans une famille aristocratique, Marguerite Peltzer s’est très tôt intéressée à la sculpture.

Son parcours l’a conduite aux Beaux-Arts à Paris en 1928, puis à sa "maison blanche" à Concise, en 1932. En 1938, un an après son mariage avec Emile Genoyer, consul de France à Zurich, elle l’accompagne dans son château de Dordogne jusqu’à sa mort en 1946, après quoi elle revient vivre à Thonon. Sculpteur reconnu (elle obtient la médaille d’or du Salon des artistes français en 1968), Marguerite Peltzer côtoie aussi la bonne société thononaise, pour laquelle elle réalise de nombreux bustes (dont celui du député-maire Georges Pianta).

Etrange caractère

A Thonon, l’artiste a acquis une réputation de femme de caractère. Bénédicte Renard, qui a été sa voisine à partir de 1983 et l’a accompagnée dans ses dernières années, se souvient d’une personne « fascinante », et assurément tout sauf commune.

« Quand je me suis installée à côté de chez elle, avec mes trois jeunes enfants, raconte Mme Renard, elle est rapidement venue se présenter, tirée à quatre épingles, en m’invitant à prendre le thé chez elle : elle m’a reçue avec un grand cérémonial.

 » La nouvelle voisine est alors impressionnée par des meubles extraordinaires, de très belles peintures, un piano ayant appartenu à Beethoven... et au milieu du salon un voile noir posé sur un tableau. « Elle m’a dit : "Voilà la propriétaire de la maison où vous êtes, et elle est très contrariée que vous viviez dans ses biens". » Curieuse entrée en matière. Quant aux enfants : « "Ils s’alignent là contre le mur, on leur donne un morceau de gâteau et ils ne bougent pas", alors que ses bassets allaient et venaient partout... » Pour autant, malgré sa froideur apparente et son caractère pour le moins difficile, l’artiste tisse peu à peu des liens d’amitié avec sa voisine, par ailleurs titulaire d’une licence d’histoire de l’art, ce qui facilite sans doute leurs échanges, et parle avec elle de ses oeuvres, des sommités croisées au fil de son existence...

Elle lui demande de l’aider pour démouler des pièces, de poser pour elle (« Je n’ai pas voulu »), lui montre ses portraits de Thononais (« En me racontant des anecdotes à leur sujet »), et l’emmène fréquemment à toutes sortes de vernissages. « Même à 85 ans, elle était toujours partante ! Il fallait toujours qu’elle fasse quelque chose. A 80 ans, elle montait encore sur une table pour réaliser une fresque avec des angelots dans la tour de sa maison. » Il faut dire que l’artiste avait connu une existence peu commune, voire romanesque. « Elle a été enlevée par son mari, qui l’a installée dans cette maison à Concise. C’était une grande dame, qui a rencontré des personnalités éminentes. Elle aimait bien les honneurs. Un jour, elle m’a donné une robe qu’elle avait portée lors d’une rencontre avec un président de la République. » Localement, elle était l’amie de l’architecte Louis Moynat et du peintre John Baud ; le docteur Sautier, qu’elle appréciait beaucoup, écrivait des poèmes pour elle...

Cactus, exorcisme...

« Une fois, comme elle avait été insupportable et que je n’allais plus la voir, elle est venue à la maison pour mon anniversaire, avec un grand chapeau et une cape, et m’a offert un cactus, qu’elle avait décoré. » Un autre jour, Mme Renard se souvient avoir vu une procession dans le jardin de sa voisine : « Elle faisait exorciser sa maison, car elle disait que l’esprit de son ancien mari y planait. A l’étage, elle avait d’ailleurs recouvert le buste de son mari d’un voile noir. Elle avait très peur de l’au-delà, des diableries... » Dans ses « accès de mysticisme », bien que protestante, elle souhaitait aussi laisser tous ses biens aux religieuses de Concise ; mais c’est finalement la ville de Thonon qui a eu cet honneur.

Marguerite Peltzer peignait aussi, et considérait en outre la cuisine comme une oeuvre d’art (« Quand elle faisait des gâteaux, elle les sculptait dans la pâte »). Puis est venue la maladie. « Ça a été le grand vide. Plus personne ne venait la voir. Elle a eu une fin très dure. »

Henri

C’est alors que Bénédicte Renard s’est rendue en pèlerinage en Dordogne, au château où l’artiste avait vécu avec son mari. « C’est Henri Lassignardi, son majordome, qui m’a proposé de m’y emmener. Il était originaire de Sarlat, avait été embauché très jeune au château, et il l’a suivie quand elle est revenue vivre à Thonon. » Au début, Henri avait ses appartements dans une simple annexe, puis le majordome s’est installé dans la grande maison blanche. « Ils ont dû connaître un moment de passion intense... C’était un type extraordinaire, truculent, intelligent et généreux. » Et quelque part bien assorti à cette femme hors normes, car tous deux « étaient d’un autre siècle ».

YVAN STRELZYK

Une exposition permanente est consacrée à Marguerite Peltzer dans une salle du Musée du Chablais.